Blagues : Fiscalité |
Philippe
Bouvard, que vous connaissez probablement, est un grand artiste qui vend son
humour dans les chaînes de télévision françaises. Ses
tourmentes avec le fisc ont enfanté d'un livre "Contribuables mes frères,
chez Robert Laffont" qu'il déclare destiné à lui procurer les moyens
financiers pour, je cite, payer plus facilement ses impôts grâce aux droits
d'auteur. Nous en reproduisons certains extraits choisis dans le seul but de vous faire rire.
"C'est
au moment de payer ses impôts que l'on s'aperçoit qu'on n'a pas les moyens de
s'offrir l'argent que l'on gagne". _____________________________________________________ Je
me souviens de mon premier contrôle comme on se souvient de son premier amour.
Dans les deux cas, on éprouve des sensations d'une acuité qu'on ne retrouvera
plus jamais ensuite. Autre commun dénominateur : le coup de foudre et le coup
de fisc se sont manifestés l'un et l'autre pendant les vacances. _____________________________________________________ Traditionnellement
l'administration fiscale convoque les contribuables dans des bureaux sordides
afin de leur montrer, j'imagine, l'exemple du suprême dépouillement. Rien de
plus triste au monde que les locaux d'une direction nationale, régionale ou départementale
des vérifications de situations. Les lampes pendouillent lamentablement du
plafond, la peinture des murs remonte au temps où Vincent Auriol trônait rue
de Rivoli et vantait la bonne santé du franc douze heures avant l'annonce de la
dévaluation. Le mobilier est aussi succinct que la psychologie de ceux qui s'en
servent : bureaux métalliques démodés, chaises inconfortables, téléphone méprisant
les ressources de l'électronique. _____________________________________________________ •
Techniques usuelles de
contrôle Il
faut savoir qu'une vérification s'appuie pour un tiers sur des chiffres, pour
un tiers sur des ragots et pour un tiers sur des symboles, qu'un symbole ne
correspond pas obligatoirement aux chiffres les plus importants, mais qu'il
accroît l'obstination avec laquelle le préposé presse le citron. Il est par
exemple infiniment plus ruineux d'entretenir un château historique entouré de
mille hectares de terres que de creuser un petit bassin à des fins natatoires,
mais les gens du fisc ont tendance à faire davantage une fixation sur quarante
mètres carrés de piscine que sur dix mille mètres carrés de toit. De même,
certaines marques d'automobile leur semblent un luxe alors qu'elles
correspondent à des types de véhicule qu'on ne revend jamais à perte. Le
cheval de course - même si l'on ne gagne jamais et si l'on n'en possède qu'une
jambe - fait partie des clignotants qui empêchent de refermer un dossier. La
chasse - même professionnelle - et le bateau - même battant pavillon libérien
- constituent - avant tout examen - autant de présomptions de fraude. Moi, si -
ce qu'a Dieu ne plaise - j'étais inspecteur, j'emploierais plutôt le
raisonnement inverse. Je traquerais systématiquement les milliardaires qui
prennent le métro ou qui roulent dans une vieille 4 CV, partant du principe que
non seulement ils ont quelque chose à cacher, mais que, de plus, ils possèdent
un capital dont ils refusent la redistribution. _____________________________________________________ Quand
on change de casquette, il est normal qu'on change de lunettes Le
conseiller fiscal qui m'accompagne désormais entretient de très bons rapports
avec les agents des impôts. Il reprend parfois mon argumentation lorsqu'elle
lui paraît bonne, changeant très vite de sujet quand le terrain n'est pas sûr.
Il hoche la tête, il soupire, il tire de son dossier un chiffre qui manque et
il me donne des nouvelles des inspecteurs que nous avons connus ensemble : - Vous vous souvenez de Chombier, le petit rouquin qui était si agressif ? Eh bien, il a démissionné et il a ouvert un cabinet. Tous les artistes du show-biz qu'il avait pressurés se sont précipités pour lui demander conseil et, comme il en connaît un bout sur les abus de l'administration, il en fait voir de dures à ses anciens collègues ! _____________________________________________________ Dans
le psychodrame du contrôle fiscal, le conseiller du même nom joue le rôle du
parent d'élève : il intervient moitié pour faire excuser certaines fautes,
moitié pour promettre qu'on ne recommencera pas. Il approuve, il ergote, il détend
l'atmosphère avec l'histoire de Boris Vian qui recevait les argousins de la
D.G.I. tout nu, ainsi que son épouse, dans un appartement préalablement vidé
de ses meubles, de ses tapis et de ses bibelots. Il lâche du lest, il loue la
conscience professionnelle des contrôleurs, il verse un pleur sur leur sort matériel
peu enviable (cela s'arrangera dans le privé), quitte à se renfrogner pour
montrer qu'on va trop loin et qu'il n'est pas d'accord. C'est l'homme du
dialogue, des temporisations, des accords amiables. Il n'a pas son pareil pour
préconiser, pour reconnaître les petites fautes que l'on n'a pas commises afin
qu'on n'ait pas envie de lever un vrai lièvre, plus gros. L'utilisation
régulière ou épisodique d'un conseiller fiscal fait partie de la panoplie.
Les tarifs assez élevés pratiqués par les représentants de cette estimable
profession sont minimes par rapport aux sommes qu'ils permettent (parfois) d'économiser.
Et puis il est toujours possible, lorsqu'on est aux frais réels ou si l'on
dispose d'un certain revenu, de soustraire de ce dernier toutes les dépenses
engagées pour répondre aux demandes de l'administration. Ainsi l'Etat
contribue-t-il à hauteur de 58% au paiement des spécialistes recrutés pour
apporter la contradiction à ses représentants. _____________________________________________________ • A
la recherche des pièces justificatives Ce
faisant, j'optais pour la transparence et je ne devais plus jamais exciper d'une
dépense qu'une facture ne fût capable de prouver. Pas toujours facile, tant il
est vrai qu'on ne saurait s'approprier trop ostensiblement l'addition d'un
restaurant où l'on vient de traiter royalement un client avec lequel on désire
établir des liens amicaux sans lui rappeler dans quel cadre juridico-fiscal se
situent en réalité ces agapes. C'est l'époque où, pour voir enfin naître un
sourire sur les lèvres minces de mon contrôleur, j'attrapais toutes les notes
de repas qui passaient à portée de ma main, m'arrangeant pour quitter en
dernier le wagon-restaurant et raflant tous les justificatifs négligés par les
convives qui, eux, bénéficiaient d'un forfait. Une année, je me présentai fièrement
au contrôle avec une mallette bourrée de reçus de péage et de factures de
stations-service. Mon sixième contrôleur souleva le couvercle puis le referma
en proférant, pour la première et la dernière fois, une formule qui me rendit
tout penaud :
-
Je vous fais confiance ! C'est
une constante du comportement des contrôleurs : ils ont le sens du détail,
mais du détail qu'ils ont choisi, et ils refusent de se laisser entraîner sur
un autre terrain dont ils estiment - souvent à raison - qu'il ne serait pas
aussi fructueux puisqu'on le leur propose. _____________________________________________________ Il
n'est pas rare qu'une vedette oublie purement et simplement de se manifester
auprès de l'administration (cela a été le cas de Jean-Michel Jarre), ou que
la personne à laquelle il a donné mandat de se mettre en règle et d'acquitter
l'impôt en son nom trouve plus profitable d'entreposer dans sa poche
personnelle les sommes qui auraient pu s'égarer dans le tronc commun des
finances.
_____________________________________________________ •
Pourquoi
certains riches ne sont pas si riches que ça ? Aux
petits contribuables qui sont souvent tentés de s'étonner de l'insolvabilité
des gros, on doit expliquer que les artistes du show-biz, pour ne parler que
d'eux, ont les poches aussi percées que nos oreilles. Ne tenant aucune
comptabilité, croyant toujours avec naïveté qu'un gala annoncé par dix mille
affiches peut passer inaperçu, n'établissant aucun budget et ne sachant donc
pas proportionner leurs dépenses et leurs recettes, ils vivent fastueusement,
mais en état de découvert permanent. Tombent-ils malades ? Une tournée
est-elle annulée en raison des difficultés de la conjoncture ? Leur homme de
confiance (sic) lève-t-il le pied avec la caisse ? C'est aussitôt le drame,
c'est-à-dire la cessation de paiements. On
ne doit jamais oublier non plus que le fait de circuler dans une Rolls-Royce de
l'année conduite par un chauffeur est de nature à donner des soupçons à des
fonctionnaires tatillons qui ne comprendront pas toujours que, quand on a un
gros découvert à la banque, la Rolls est préférable au métro parce que ce
dernier ne fait pas crédit. _____________________________________________________ •
Rien
ne sert de faire semblant d'ignorer la loi fiscale, même lorsqu'on s'appelle
Charles Aznavour On
se souvient des gros ennuis que connut voilà plus de dix ans Charles Aznavour.
Menant une carrière internationale, ayant des résidences dans plusieurs pays,
il avait cru pouvoir naviguer à vue entre les retenues à la source effectuées
sur ses cachets au-delà des frontières et la vigilance toujours en éveil du
fisc français. On commença par le chicaner sur le nombre de jours qu'il
passait dans son chalet de Gstaadt. Une surveillance discrète mais efficace des
douaniers dans l'aéroport en même temps qu'une vérification (je n'invente
rien) du livre des comptes de cuisine de sa villa de Montfort-l'Amaury permirent
d'établir qu'il se trouvait au-dessous du nombre de jours minimum requis pour
la jouissance du statut de résident privilégié. Les contrôleurs français
reprirent alors leurs droits, et l'auteur de La Mamma connut une période très
difficile. Il fut obligé de subir d'innombrables interrogatoires policiers, de
vendre la totalité de ses biens situés en France, de régler une énorme
facture, d'être néanmoins condamné en correctionnelle avant de s'installer -
mais cette fois à l'année - sur le territoire de la Confédération helvétique. •
La
véritable histoire du poujadisme Il
y a eu, en 1954, la création de l'Union de défense des commerçants et
artisans par Pierre Poujade. Orateur-né, le petit libraire de Saint-Céré
avait ramassé dans le ruisseau l'étendard de la révolte. Déclarant la guerre
à ce qu'il ne craignait pas de surnommer la "Gestapo fiscale",
Poujade refusait aux contrôleurs l'entrée de sa boutique. Devant son exemple,
d'autres portes se fermèrent au nez des enquêteurs de l'administration. Les
C.R.S. envoyés en hâte ne purent rien. En quelques semaines, soixante départements
organisaient la résistance jusqu'à une assemblée plénière qui remplit le Vél'd'Hiv'. Aux
élections suivantes, Poujade, inventeur d'une philosophie du refus nommée
poujadisme, se retrouve avec cinquante-deux députés à l'Assemblée nationale.
Il publie un livre, il relance l'action permanente, il entreprend un tour de
France triomphal. La
jacquerie donnera des sueurs froides à plusieurs gouvernements, mais n'ira pas
aussi loin qu'on le redoutait. Poujade fit de mauvaises affaires et ne se montra
pas insensible aux propositions concrètes et aux contacts humains. Surtout
lorsque ces derniers se situaient dans un palais national. Par
la suite, Poujade tente en vain de reprendre une place sur l'échiquier
politique et social. En 1974, il lance une société anonyme superbement intitulée
"Confiance", dont l'objectif est de couvrir la France de trente
centrales d'achat qui, "au cœur de la distribution traditionnelle,
concurrenceront la mafia des grossistes financièrement liés aux supermarchés".
Quatre ans plus tard, et afin de se positionner pour les élections européennes,
il annonce son intention de réunir un conclave d'une semaine dans son domaine
de La Bastide-l'Evêque à l'usage des intellectuels non fatigués, des
associations professionnelles et des gens de bonne volonté qui sont restés
poujadistes dans l'âme. Les observateurs s'avisent alors que Poujade ne réunit
plus autour de lui que deux mille militants inconditionnels et que ses idéaux
qui avaient remué un temps la France profonde sont devenus caducs ou ont été
récupérés par Gérard Nicoud.
•
Doit-on
réclamer le double pour avoir la moitié ? Un
des principaux arguments du ministère des Finances, lorsqu'on évoque les
chiffres vertigineux des notifications, consiste à répondre que neuf fois sur
dix les sommes encaissées par le Trésor public sont sans commune mesure avec
les sommes exigées vers la fin du contrôle. C'est vrai. Mais cette différence
ne saurait faire oublier que, tant qu'on n'a pas déterminé le chiffre réel et
final, les contrôlés se trouvent gravement traumatisés et l'équilibre des
entreprises compromis. •
Ne
surfer pas trop dans les océans des textes fiscaux La complexité des textes qui, chez le plus modeste expert-fiscal, remplissent vingt mètres carrés de bibliothèque, n'arrange pas le sort des contrôlés. D'abord, parce qu'ils ne peuvent pas être tenus au courant de toutes les dispositions qui leur sont favorables, ensuite, parce que certaines interprétations de la loi conduisent à commettre des imprudences. La plupart des contentieux qui ont opposé les vedettes du show-biz au fisc avaient pour origine une trop grande adresse de leurs conseillers. Or la multitude des dispositions contradictoires fait qu'on n'est jamais totalement certain de son bon droit fiscal.
_____________________________________________________
|