Blagues : Fiscalité 

 

 

Sommaire

Philippe Bouvard, que vous connaissez probablement, est un grand artiste qui vend son humour dans les chaînes de télévision françaises.

Ses tourmentes avec le fisc ont enfanté d'un livre "Contribuables mes frères, chez Robert Laffont" qu'il déclare destiné à lui procurer les moyens financiers pour, je cite, payer plus facilement ses impôts grâce aux droits d'auteur.

Nous en reproduisons certains extraits choisis dans le seul but de vous faire rire.

 

 

 

La morale du livre

"C'est au moment de payer ses impôts que l'on s'aperçoit qu'on n'a pas les moyens de s'offrir l'argent que l'on gagne". Frédéric DARD

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Un souvenir indélébile

Je me souviens de mon premier contrôle comme on se souvient de son premier amour. Dans les deux cas, on éprouve des sensations d'une acuité qu'on ne retrouvera plus jamais ensuite. Autre commun dénominateur : le coup de foudre et le coup de fisc se sont manifestés l'un et l'autre pendant les vacances.

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État des lieux

Traditionnellement l'administration fiscale convoque les contribuables dans des bureaux sordides afin de leur montrer, j'imagine, l'exemple du suprême dépouillement. Rien de plus triste au monde que les locaux d'une direction nationale, régionale ou départementale des vérifications de situations. Les lampes pendouillent lamentablement du plafond, la peinture des murs remonte au temps où Vincent Auriol trônait rue de Rivoli et vantait la bonne santé du franc douze heures avant l'annonce de la dévaluation. Le mobilier est aussi succinct que la psychologie de ceux qui s'en servent : bureaux métalliques démodés, chaises inconfortables, téléphone méprisant les ressources de l'électronique.

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Techniques usuelles de contrôle

Il faut savoir qu'une vérification s'appuie pour un tiers sur des chiffres, pour un tiers sur des ragots et pour un tiers sur des symboles, qu'un symbole ne correspond pas obligatoirement aux chiffres les plus importants, mais qu'il accroît l'obstination avec laquelle le préposé presse le citron. Il est par exemple infiniment plus ruineux d'entretenir un château historique entouré de mille hectares de terres que de creuser un petit bassin à des fins natatoires, mais les gens du fisc ont tendance à faire davantage une fixation sur quarante mètres carrés de piscine que sur dix mille mètres carrés de toit. De même, certaines marques d'automobile leur semblent un luxe alors qu'elles correspondent à des types de véhicule qu'on ne revend jamais à perte. Le cheval de course - même si l'on ne gagne jamais et si l'on n'en possède qu'une jambe - fait partie des clignotants qui empêchent de refermer un dossier. La chasse - même professionnelle - et le bateau - même battant pavillon libérien - constituent - avant tout examen - autant de présomptions de fraude. Moi, si - ce qu'a Dieu ne plaise - j'étais inspecteur, j'emploierais plutôt le raisonnement inverse. Je traquerais systématiquement les milliardaires qui prennent le métro ou qui roulent dans une vieille 4 CV, partant du principe que non seulement ils ont quelque chose à cacher, mais que, de plus, ils possèdent un capital dont ils refusent la redistribution.  

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Quand on change de casquette, il est normal qu'on change de lunettes

Le conseiller fiscal qui m'accompagne désormais entretient de très bons rapports avec les agents des impôts. Il reprend parfois mon argumentation lorsqu'elle lui paraît bonne, changeant très vite de sujet quand le terrain n'est pas sûr. Il hoche la tête, il soupire, il tire de son dossier un chiffre qui manque et il me donne des nouvelles des inspecteurs que nous avons connus ensemble :

            - Vous vous souvenez de Chombier, le petit rouquin qui était si agressif ? Eh bien, il a démissionné et il a ouvert un cabinet. Tous les artistes du show-biz qu'il avait pressurés se sont précipités pour lui demander conseil et, comme il en connaît un bout sur les abus de l'administration, il en fait voir de dures à ses anciens collègues !

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Du conseil fiscal

Dans le psychodrame du contrôle fiscal, le conseiller du même nom joue le rôle du parent d'élève : il intervient moitié pour faire excuser certaines fautes, moitié pour promettre qu'on ne recommencera pas. Il approuve, il ergote, il détend l'atmosphère avec l'histoire de Boris Vian qui recevait les argousins de la D.G.I. tout nu, ainsi que son épouse, dans un appartement préalablement vidé de ses meubles, de ses tapis et de ses bibelots. Il lâche du lest, il loue la conscience professionnelle des contrôleurs, il verse un pleur sur leur sort matériel peu enviable (cela s'arrangera dans le privé), quitte à se renfrogner pour montrer qu'on va trop loin et qu'il n'est pas d'accord. C'est l'homme du dialogue, des temporisations, des accords amiables. Il n'a pas son pareil pour préconiser, pour reconnaître les petites fautes que l'on n'a pas commises afin qu'on n'ait pas envie de lever un vrai lièvre, plus gros.

L'utilisation régulière ou épisodique d'un conseiller fiscal fait partie de la panoplie. Les tarifs assez élevés pratiqués par les représentants de cette estimable profession sont minimes par rapport aux sommes qu'ils permettent (parfois) d'économiser. Et puis il est toujours possible, lorsqu'on est aux frais réels ou si l'on dispose d'un certain revenu, de soustraire de ce dernier toutes les dépenses engagées pour répondre aux demandes de l'administration. Ainsi l'Etat contribue-t-il à hauteur de 58% au paiement des spécialistes recrutés pour apporter la contradiction à ses représentants.

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•  A la recherche des pièces justificatives

Ce faisant, j'optais pour la transparence et je ne devais plus jamais exciper d'une dépense qu'une facture ne fût capable de prouver. Pas toujours facile, tant il est vrai qu'on ne saurait s'approprier trop ostensiblement l'addition d'un restaurant où l'on vient de traiter royalement un client avec lequel on désire établir des liens amicaux sans lui rappeler dans quel cadre juridico-fiscal se situent en réalité ces agapes. C'est l'époque où, pour voir enfin naître un sourire sur les lèvres minces de mon contrôleur, j'attrapais toutes les notes de repas qui passaient à portée de ma main, m'arrangeant pour quitter en dernier le wagon-restaurant et raflant tous les justificatifs négligés par les convives qui, eux, bénéficiaient d'un forfait. Une année, je me présentai fièrement au contrôle avec une mallette bourrée de reçus de péage et de factures de stations-service. Mon sixième contrôleur souleva le couvercle puis le referma en proférant, pour la première et la dernière fois, une formule qui me rendit tout penaud :

            - Je vous fais confiance !

C'est une constante du comportement des contrôleurs : ils ont le sens du détail, mais du détail qu'ils ont choisi, et ils refusent de se laisser entraîner sur un autre terrain dont ils estiment - souvent à raison - qu'il ne serait pas aussi fructueux puisqu'on le leur propose.

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Pauvre Jarre

Il n'est pas rare qu'une vedette oublie purement et simplement de se manifester auprès de l'administration (cela a été le cas de Jean-Michel Jarre), ou que la personne à laquelle il a donné mandat de se mettre en règle et d'acquitter l'impôt en son nom trouve plus profitable d'entreposer dans sa poche personnelle les sommes qui auraient pu s'égarer dans le tronc commun des finances.

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Pourquoi certains riches ne sont pas si riches que ça ?

Aux petits contribuables qui sont souvent tentés de s'étonner de l'insolvabilité des gros, on doit expliquer que les artistes du show-biz, pour ne parler que d'eux, ont les poches aussi percées que nos oreilles. Ne tenant aucune comptabilité, croyant toujours avec naïveté qu'un gala annoncé par dix mille affiches peut passer inaperçu, n'établissant aucun budget et ne sachant donc pas proportionner leurs dépenses et leurs recettes, ils vivent fastueusement, mais en état de découvert permanent. Tombent-ils malades ? Une tournée est-elle annulée en raison des difficultés de la conjoncture ? Leur homme de confiance (sic) lève-t-il le pied avec la caisse ? C'est aussitôt le drame, c'est-à-dire la cessation de paiements.

On ne doit jamais oublier non plus que le fait de circuler dans une Rolls-Royce de l'année conduite par un chauffeur est de nature à donner des soupçons à des fonctionnaires tatillons qui ne comprendront pas toujours que, quand on a un gros découvert à la banque, la Rolls est préférable au métro parce que ce dernier ne fait pas crédit.

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Rien ne sert de faire semblant d'ignorer la loi fiscale, même lorsqu'on s'appelle Charles Aznavour

On se souvient des gros ennuis que connut voilà plus de dix ans Charles Aznavour. Menant une carrière internationale, ayant des résidences dans plusieurs pays, il avait cru pouvoir naviguer à vue entre les retenues à la source effectuées sur ses cachets au-delà des frontières et la vigilance toujours en éveil du fisc français. On commença par le chicaner sur le nombre de jours qu'il passait dans son chalet de Gstaadt. Une surveillance discrète mais efficace des douaniers dans l'aéroport en même temps qu'une vérification (je n'invente rien) du livre des comptes de cuisine de sa villa de Montfort-l'Amaury permirent d'établir qu'il se trouvait au-dessous du nombre de jours minimum requis pour la jouissance du statut de résident privilégié. Les contrôleurs français reprirent alors leurs droits, et l'auteur de La Mamma connut une période très difficile. Il fut obligé de subir d'innombrables interrogatoires policiers, de vendre la totalité de ses biens situés en France, de régler une énorme facture, d'être néanmoins condamné en correctionnelle avant de s'installer - mais cette fois à l'année - sur le territoire de la Confédération helvétique.

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La véritable histoire du poujadisme

Il y a eu, en 1954, la création de l'Union de défense des commerçants et artisans par Pierre Poujade. Orateur-né, le petit libraire de Saint-Céré avait ramassé dans le ruisseau l'étendard de la révolte. Déclarant la guerre à ce qu'il ne craignait pas de surnommer la "Gestapo fiscale", Poujade refusait aux contrôleurs l'entrée de sa boutique. Devant son exemple, d'autres portes se fermèrent au nez des enquêteurs de l'administration. Les C.R.S. envoyés en hâte ne purent rien. En quelques semaines, soixante départements organisaient la résistance jusqu'à une assemblée plénière qui remplit le Vél'd'Hiv'.

Aux élections suivantes, Poujade, inventeur d'une philosophie du refus nommée poujadisme, se retrouve avec cinquante-deux députés à l'Assemblée nationale. Il publie un livre, il relance l'action permanente, il entreprend un tour de France triomphal.

La jacquerie donnera des sueurs froides à plusieurs gouvernements, mais n'ira pas aussi loin qu'on le redoutait. Poujade fit de mauvaises affaires et ne se montra pas insensible aux propositions concrètes et aux contacts humains. Surtout lorsque ces derniers se situaient dans un palais national.

Par la suite, Poujade tente en vain de reprendre une place sur l'échiquier politique et social. En 1974, il lance une société anonyme superbement intitulée "Confiance", dont l'objectif est de couvrir la France de trente centrales d'achat qui, "au cœur de la distribution traditionnelle, concurrenceront la mafia des grossistes financièrement liés aux supermarchés". Quatre ans plus tard, et afin de se positionner pour les élections européennes, il annonce son intention de réunir un conclave d'une semaine dans son domaine de La Bastide-l'Evêque à l'usage des intellectuels non fatigués, des associations professionnelles et des gens de bonne volonté qui sont restés poujadistes dans l'âme. Les observateurs s'avisent alors que Poujade ne réunit plus autour de lui que deux mille militants inconditionnels et que ses idéaux qui avaient remué un temps la France profonde sont devenus caducs ou ont été récupérés par Gérard Nicoud.

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Doit-on réclamer le double pour avoir la moitié ?

Un des principaux arguments du ministère des Finances, lorsqu'on évoque les chiffres vertigineux des notifications, consiste à répondre que neuf fois sur dix les sommes encaissées par le Trésor public sont sans commune mesure avec les sommes exigées vers la fin du contrôle. C'est vrai. Mais cette différence ne saurait faire oublier que, tant qu'on n'a pas déterminé le chiffre réel et final, les contrôlés se trouvent gravement traumatisés et l'équilibre des entreprises compromis.

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Ne surfer pas trop dans les océans des textes fiscaux

La complexité des textes qui, chez le plus modeste expert-fiscal, remplissent vingt mètres carrés de bibliothèque, n'arrange pas le sort des contrôlés. D'abord, parce qu'ils ne peuvent pas être tenus au courant de toutes les dispositions qui leur sont favorables, ensuite, parce que certaines interprétations de la loi conduisent à commettre des imprudences. La plupart des contentieux qui ont opposé les vedettes du show-biz au fisc avaient pour origine une trop grande adresse de leurs conseillers. Or la multitude des dispositions contradictoires fait qu'on n'est jamais totalement certain de son bon droit fiscal.

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