Ce premier numéro de la lettre fiscale de l’année 2003 traite du régime fiscal pénalisant de la prise en charge par l'entreprise tunisienne des rémunérations qu'elle peut verser aux non résidents :

 

La prise en charge des impôts dus par les non résidents

 

La prise en charge des impôts dus par les non résidents est, particulièrement, pénalisante pour l'entreprise tunisienne.

Section 1 : Régimes applicables à la prise en charge des impôts dus par les non résidents

§ 1. Les salaires

Le régime applicable à la prise en charge des retenues à la source sur les salaires versés aux non résidents est le même que celui applicable à la prise en charge des retenues à la source sur salaires versés au résidents.

§ 2. La prise en charge des retenues à la source sur les rémunérations versées aux non résidents

Selon un principe généralement admis en fiscalité internationale, la prise en charge de l'impôt dû par un non résident place la rémunération en question hors du champ d'application des conventions fiscales internationales de non double imposition et la rend passible du taux de retenue à la source de droit commun.

Les taux de retenues à la source sur les rémunérations versées aux non résidents en droit commun sont :

- 15% pour les loyers, commissions, courtages, honoraires, toute rémunération non commerciale, redevances, jetons de présence, rétributions occasionnelles et accidentelles et cessions d'immeubles.

- 2,5% pour les intérêts versés aux établissements bancaires étrangers.

- 20% pour les autres revenus de capitaux mobiliers.

Ainsi, compte tenu de la formule de prise en charge, les taux applicables en cas de prise en charge s'établissent, nonobstant tout régime plus avantageux d'une convention de non double imposition, comme suit :

- lorsque le taux de droit commun applicable est 15%, le taux de la prise en charge s'élève à 17,64% soit [15% / (100% - 15%)] = 15% / 85% = 17,64%,

- lorsque le taux de droit commun applicable est de 2,5% le taux de la prise en charge s'élève à 2,56%,

- lorsque le taux de droit commun applicable est de 20%, le taux de la prise en charge et de 25%.

Lorsque la rémunération est passible de la TVA tunisienne, ladite TVA doit faire l'objet de la retenue à la source et le taux de la prise en charge s'applique au montant TVA comprise.

Section 2 : Sanctions liées à la prise en charge des impôts dus par les non résidents

         § 1. Défaut ou insuffisance de retenues à la source sur les rémunérations versées aux non résidents

Aux termes du dernier alinéa du § IV de l’article 52 du code de l’IRPP et de l’IS, les retenues non effectuées sur les sommes payées à des non résidents sont considérées comme étant prises en charge par le débiteur domicilié ou établi en Tunisie.

Dans ce cas, la doctrine administrative considère qu’outre le fait qu’il convient d’appliquer le taux de droit commun selon la formule de prise en charge, les pénalités de retard viennent s’ajouter au montant dû en principal.

 

§ 2. Non déductibilité de l’impôt pris en charge sur les redevances versées aux non résidents

Aux termes du point 2 de l’article 14 du code de l’IRPP et de l’IS, la retenue à la source supportée par l’entreprise tunisienne au lieu et place des personnes non résidentes ni établies en Tunisie n’est pas admise en déduction lorsqu’elle porte sur les rémunérations suivantes :

1)       Les droits d’auteur ;

2)       L’usage, la concession de l’usage ou la cession d’un brevet, d’une marque de fabrique ou de commerce, d’un dessin ou d’un modèle, d’un plan, d’une formule ou d’un procédé de fabrication, y compris les films cinématographiques ou de télévision ;

3)       L’usage ou la concession de l’usage (c’est à dire la location) d’un équipement industriel, commercial, agricole, portuaire ou scientifique ;

4)       Des informations ayant trait à une expérience acquise dans le domaine industriel, commercial ou scientifique ;

5)       Des études techniques ou économiques, ou une assistance technique.

C'est le montant de l'impôt pris en charge qui n'est pas déductible. Le montant de la charge reste déductible dès lors qu'il est porté sur la déclaration dite de l'employeur.

§ 3. Applications doctrinales à certaines situations

Régime fiscal applicable à un groupement de sociétés : Dans une prise de position (1885) du 3 décembre 2001, la DGELF a précisé le régime applicable à des rémunérations d'études versées par un ministère à un groupement de cabinets étrangers et tunisiens comme suit :

1) En matière d'IS :

Les cabinets étrangers disposent d'un établissement stable du fait de leur participation à un groupement, ils sont de ce fait soumis à toutes les obligations fiscales selon le régime de droit commun.

Le groupement est aussi soumis selon le régime fiscal des sociétés fiscalement transparentes.

Les bénéfices réalisés par le groupement sont passibles d'une avance au taux de 25% au titre de l'impôt sur les bénéfices dû par les associés.

La facturation du groupement donne lieu à une RAS au taux de 2,5%

La prise en charge des retenues de 2,5%, de l’avance de 25% et de l’IS au taux de 35% s’effectue respectivement aux taux suivants : 2,56%, 33,33% et 53,84%.

2) En matière de TVA :

Les études sont passibles de la TVA au taux de 10%.

Prise en charge de l’IS dû par un établissement stable : Dans une prise de position (1109) du 27 août 2002, la DGELF a précisé que la prise en charge des impôts dus par un bureau d’études étranger à qui l’on confie un marché qui le rend établi en Tunisie s’élève à :

-    une retenue à la source de 2,56% du CA TTC imputable sur l’IS pris en charge,

-    l’IS au taux de la prise en charge de 53,84% liquidé sur le montant des bénéfices dégagés par l’établissement stable,

-    la TVA prise en charge.

En outre, les salaires versés aux employés étrangers de l’établissement stables sont passibles de la retenue à la source sur salaires quelle que soit la partie qui les prend en charge.

Ainsi, on se rend compte à quel point la prise en charge de l’impôt est pénalisante pour le client tunisien.

Prise en charge de la RAS sur intérêts versés à une banque étrangère : Dans une prise de position (1106) du 27 août 2002, la DGELF a précisé que la prise en charge de la retenue à la source sur intérêts d’un emprunt conclu par une banque tunisienne auprès d’une banque autrichienne élève le taux de la retenue à 2,56% du montant desdits intérêts mais que la convention de rétrocession de l’emprunt à une autre entreprise par la banque tunisienne n’entraîne aucune retenue à la source sur les intérêts remboursés par l’entreprise à la banque tunisienne.

 

En conclusion : Il convient d’éviter toute convention de prise en charge des impôts dus sur les rémunérations versées aux non résidents que ce soit de façon explicite par une clause contractuelle ou de fait, par le défaut ou l'insuffisance de retenue à la source, car elle est très pénalisante pour l’entreprise tunisienne.

 

 

 

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