Impact de la fiscalité sur les décisions et modalités de financement des investissements, ainsi que sur la valeur de la firme. Analyse comparative

(France, Allemagne, Royaume Uni, Etats-Unis et Tunisie)

Soulef DAMMAK épouse ACHICH

 

 

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La fiscalité est frontalière entre la discipline juridique et les sciences de gestion qui incluent la comptabilité et la finance d’entreprise. Ignorer la variable fiscale dans la recherche en comptabilité et en finance serait une erreur conceptuelle. La norme fiscale s'impose aux activités et aux opérations de la firme; le taux d'imposition influe considérablement le bénéfice par action qui est un déterminant clef de la valeur pour l'actionnaire et l'élargissement du cadre d'analyse à l'aspect fiscal permettrait de mieux comprendre le comportement fiscal de la firme et donc son comportement général en tant qu'organisation (Ressignol (2000)).

Intégration de la variable fiscale dans la recherche en comptabilité et en finance

Shackelford et Shevlin (2001) précisent qu’historiquement, avant les années 80, la recherche en fiscalité était orientée vers la recherche juridique évaluant les effets de l’impôt sur les transactions exogènes et les études politiques. Suite au paradigme de recherche énoncé par Modigliani et Miller (1958, 1963), la recherche en finance a connu une évolution importante et la variable fiscale a été intégrée dans plusieurs études empiriques. Dans la littérature financière, on trouve certains papiers qui ont étudié l’interaction entre la comptabilité et les facteurs fiscaux, la fiscalité et les décisions financières de la firme; d’autres ont examiné les effets des coûts non fiscaux sur la minimisation de l’impôt. Graham (2003) a présenté une synthèse de la littérature relative à la recherche en finance intégrant la variable fiscale dans le choix de la structure du capital, la politique de dividende, le choix de la forme organisationnelle sur le plan national et multinational.

Scholes et Wolfson (1992) ont établi un cadre conceptuel permettant d’intégrer la fiscalité dans les décisions d’investissement et de financement de l’entreprise. Ce cadre conceptuel n’a pas apporté de nouvelles théories ou méthodologies mais les auteurs ont adopté une approche positive en essayant d’expliquer le rôle de la fiscalité dans l’organisation. Ce cadre conceptuel est fondamental à la recherche fiscale, en comptabilité et en finance.

Shackelford et Shevlin (2001) soulignent que la recherche en fiscalité fait soulever certains problèmes méthodologiques qui concernent notamment l’estimation du taux  marginal d’imposition, la spécification des modèles, la spécification des variables en niveau ou en variation et la disponibilité des données.

Les recherches en ce domaine sont essentiellement d'origine anglo-saxonne. En se référant à Modigliani et Miller qui ont introduit, en 1963, l'imposition sur les bénéfices dans le cadre de leur étude sur l'existence d'une structure optimale du capital tout en nuançant leur position de 1958, de nombreux auteurs anglo-saxons ont suivi sur différents thèmes portant sur la fiscalité et la décision d'investissement, la fiscalité et la décision de financement, la fiscalité et la structure du capital, la fiscalité des dividendes, et autres. En France ainsi qu’en Tunisie, la littérature financière a porté à la variable fiscale un intérêt limité.

Douglas (2001) et Plesko (2003) précisent que la mesure du taux d’imposition est une étape importante en matière de recherche en fiscalité et peut avoir des répercussions sur les résultats obtenus. Différentes approches sont adoptées dans l’estimation du taux d’imposition. Dans leurs études, Zimmerman (1983), Porcano (1986), Terando et Omer (1993), Colligent (1994) ont retenu la mesure du taux effectif moyen d’imposition. En revanche, Shevlin (1990) et Graham (1996a) ont adopté une technique de simulation afin de déterminer le taux marginal d’imposition qui a été largement retenu par les études ultérieures (Graham et al (1998), Graham (1999), Mackie III (2002) et Feenberg et Poterba (2004)).

Certaines études se sont intéressées à l’effet des incitations fiscales sur l’investissement tels que les crédits d’impôt à l’investissement (Dammon et Senbet (1988), Auerbach et Hassett (1992), Hassett et Hubbard (1996), Chirinko (2000) et Thomas et al (2003)) et le minimum d’impôt alternatif (Lyon (1990)), alors que Cummins et Hassett (1992), Borrego et Bentolila (1994), Cummins et al (1995) ont étudié l’impact des ajustements fiscaux sur le ratio de q de Tobin. Dans le même cadre, Arcelus et al (2005) ont examiné l’effet de l’impôt différé sur le ratio q de Tobin.

D’autres études ont mis en évidence l’effet de l’impôt sur les sociétés et de l’imposition personnelle sur le coût du capital (Auerbach (1983), Stiglitz (1983), Mayer (1986), Taggart (1991), Mckenzie et Thompson (1997) et Crépon et Gianella (2001)).

De même, Gale et Orszag (2005) ont étudié l’interaction entre la situation de déficit, les taux d’intérêt et le coût d’usage ainsi que leurs incidences sur l’investissement.

La littérature financière empirique est abondante sur le thème de l’effet de la fiscalité sur le niveau d’endettement de la firme et la structure du capital tout en mettant l’accent sur l’avantage de la dette résultant de la déduction de la charge des intérêts et l’arbitrage avec les autres économies d’impôt non liées à la dette1. En se référant à l’article de base de Miller (1977) intégrant l’imposition personnelle, plusieurs études ultérieures ont analysé l’effet de l’imposition personnelle sur les décisions financières de la firme2.

D’autres études se sont intéressées à la valeur de la firme. Keen et Schiantarelli (1991) ont examiné la relation entre les asymétries d’imposition et la maximisation de la valeur de la firme, Fama et French (1998) ont mis en évidence l’effet de la fiscalité sur les décisions de la firme et la valeur de la firme et Waegenaere et al (2003) ont étudié l’évaluation de la firme en tenant compte des reports déficitaires.

Notre thèse s’inscrit dans ce cadre de recherche intégrant la fiscalité dans les décisions de l’entreprise. Notre objectif est d’essayer d’apporter des éléments de réponses expliquant la relation entre la fiscalité et les décisions d’investissement, la fiscalité et les modes de financement de ces investissements et la fiscalité et la valeur de la firme.

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